Émois, pulsions, l’adolescent découvre un nouveau type de relations.
Malgré une apparente légèreté, il apprend sous la surface des corps, la vraie nature des rapports humains. Coucher est-il devenu plus facile qu’embrasser? «Depuis les années soixante et la révolution sexuelle, ce n’est plus l’amour qui conduit au sexe mais c’est le sexe qui mène à l’amour, avance Denise Medico, sexologue et cheffe de service à la fondation Profa, à Lausanne.
Rien ne sert plus de discuter, de flirter, de se fréquenter pendant de longs mois. Dans le monde des adultes, le sexe est devenu un produit de consommation comme un autre. «Sur les sites de rencontres, plus vous multipliez les expériences, plus vous êtes valorisé», observe le sociologue lausannois Olivier Voirol. Cette mise en avant s’inscrit dans un discours plus général, où dans la société moderne, l’individu est sommé de s’accomplir, de se réaliser à tous les niveaux, professionnel, personnel. Ces exigences déteignent aussi sur le monde adolescent «Les ados sont de fins observateurs, commente M.Voirol. Même s’ils voient l’absurdité de ces nouvelles normes, ils sont obligés d’en faire partie, sous peine de passer pour des looser ».
En dépit du culte de la performance amoureuse, sexuelle, l’adolescent reste en apprentissage. «L’ado n’est pas un adulte jeune, juge Mme Medico. Il a sa propre représentation du monde». La pression est pourtant grande dans ce domaine, à la hauteur de ses peurs et de ses attentes.
En terre inconnue
C’est comme si le ciel leur tombait sur la tête et sur le corps. A la puberté, tout change, l’enfant n’est plus, l’ado se fait jour. Ce passage est vécu avec passion et inquiétude. «Plein de modèles s’offrent à lui, souligne Olivier Voirol. C’est une période où il s’affranchit des références familiales». Attractions des corps, sentiments amoureux, filles et garçons sont propulsés vers des territoires jusque-là inconnus. «Les filles restent dans une attente très affective, remarque Mme Medico. Les garçons, eux aussi, vont vivre une passion sans chercher à s’en protéger». A cet âge, il n’y a pas de calcul, ni de recul sur ce qui leur arrive. «L’ado est pris de passion, quand il aime, il aime énormément, analyse la sexologue. Il se vit rarement maître de ses amours, à la fois belles et douloureuses». Qu’importe si certaines histoires ne durent que quelques heures, elles sont toujours intenses. La notion d’engagement est fluctuante et résister à l’usure du temps n’est pas un but en soi. Quand l’ado ne ressent plus rien, il ne regrette pas, il constate seulement que ça ne marche plus, c’est tout. S’il ne choisit pas d’aimer ou de s’attacher, le regard des autres sur ses choix amoureux peut influer sur sa popularité au sein du groupe.
Avoir la cote
Si le cœur décide, la raison n’ignore pas tout chez les ados. A la fois spontanés et radicaux dans leur choix, ils sont attentifs aussi à la reconnaissance de leurs pairs. «La popularité motive beaucoup leur comportement, relève Mme Medico. Les ados sont presque plus sensibles à ce que vont penser les autres que sa ou son partenaire». Fréquenter une fille ou un garçon sexy joue sur sa réputation et assoit son statut social dans l’école. Ca booste la notoriété même si la posture peut cacher une réalité un peu moins glamour. En effet, rares sont les premières fois inoubliables mais il s’agit là plutôt d’une étape sur le véritable chemin des sentiments. «Une relation amoureuse n’est pas une prestation, la seule recherche de son plaisir, souligne Olivier Voirol. Etre sensible à l’autre, offre à l’adolescent la possibilité d’être vraiment lui-même et de ne pas passer à côté des choses essentielles ». Il et elle, affronteront l’amour, ses échecs, ses déceptions, s’en sortiront finalement comme bien des générations avant eux. A l’abri du regard des parents, respectueux et confiants, ils vivront à fond et sans regret, leur jeunesse et leurs amours naissantes.
François Jeand’Heur
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