Un article écrit par Iv Psalti.
Docteur en Sciences Biomédicales, Sexologue Clinicien, auteur belge, conférencier et formateur en sexologie.
Répondre aux questions de nos enfants sans heurter leur pudeur, susciter l'échange et poser des limites… c’est la délicate mission éducative des parents ! C’est une aide utile pour contribuer à une sexualité future épanouie des enfants.
L’éducation sexuelle donnée aux jeunes a bien évolué dans le temps. Auparavant, quand elle était dispensée, il s’agissait surtout d’informations concernant l’anatomie des organes sexuels, les moyens d’éviter des grossesses non désirées (par l’abstinence !), de se prémunir des maladies vénériennes (par l’abstinence !). Sans oublier évidemment les aspects juridiques (perversion, viol, inceste, pédophilie...) de la sexualité. Mais surtout, élever la virginité au rang de valeur suprême. En général, dans les activités humaines, c'est l'effort qui est récompensé. Ici, paradoxalement, c'est le contraire; il ne faut rien faire. Malheureusement, il y a encore des sociétés qui encouragent cette vertu «au négatif». Le mérite de la virginité est de ne pas avoir fait quelque chose. Absurde !
Dans les années 1970, l’éducation sexuelle s’est limitée à la biologie de la reproduction. C’est la période de la libération sexuelle et l’objectif est d’éviter la survenue d’une grossesse chez les ados: «le tout pilule».
Dans les années 1980, la préoccupation principale est le SIDA et l’éducation s’est souvent limitée à des informations données sur les IST (infections sexuellement transmises). L’objectif est de prévenir l’infection: «le tout préservatif».
A partir des années 1990, l’OMS prône le message de «la santé sexuelle». L’objectif est d’élargir le champ de l’information biologique et de parler aussi des dimensions psychoaffectives (amour, tendresse, caresse, désir, plaisir, orgasme, honte, gêne, peur, première fois, identité et orientation sexuelles…) et sociales (aspects culturels, juridiques, religieux, médiatique, internet, pornographie, prostitution…) de la sexualité.
En tant que parent, on donnera des informations à nos enfants suivant notre approche de la sexualité. Les sexophobes sont mal à l’aise pour parler de sa dimension psycho-affective. Les sexophiles ne diront jamais à l’enfant que le sexe est sale.
Faut-il parler de la sexualité à son enfant? Je pense que les sexophobes devraient s’en abstenir. On ne peut donner que ce que l’on a. Nombre d’adultes sont eux-mêmes trop en difficulté pour informer leurs enfants sur ce sujet. Et aux autres parents, je conseillerais de ne donner l’information que quand la question est posée par l’enfant et surtout de répondre à cette question précise et ne pas entrer dans des détails qui ne l’intéressent pas.
Souvent les parents se plaignent : «Ma fille (ou mon fils) se touche au salon devant tout le monde. Que dois-je faire?» Le sexophobe, tapera sur la main de l’enfant en disant que ce qu’il fait est sale. Les autres, expliqueront qu’on a le droit de se donner du plaisir, mais que ceci ne peut se faire qu’en privé, dans la chambre, la porte fermée. Le rôle du toucher de l’enfant est important pour sa sexualité future.
Beaucoup de parents me posent des questions sur la nudité en famille. Le message que je voudrais passer est simple. Si vous êtes à l’aise dans votre nudité, vous ne devez pas vous cacher. Ceci permet aux enfants de découvrir le corps de l’adulte. Il faut évidemment distinguer nudité et sexualité. L’enfant, l’ado doit apprendre à contrôler son excitation en toute occasion. Si vous voulez être nu, l’enfant doit vous respecter dans votre choix. Il n’y a pas deux poids deux mesures, il faut aussi respecter la pudeur de l’adolescent qui ne veut pas se promener à la maison dans le plus simple appareil, lui qui n’a pas encore intégré les différentes composantes de son corps en transformation.
La question que se posent beaucoup de parents est de savoir comment ils peuvent empêcher leurs enfants d’avoir accès à la pornographie. C'est quasiment impossible, mais comme je l’ai déjà souligné précédemment (Iv Psalti, Sexe : savez-vous vous y prendre avec les hommes, Ixelles éditions, Bruxelles, 2011, pp. 47-48), " (...) il faut au moins expliquer au jeune que ce qu’il voit est loin de la réalité. La sexualité se déroule avant tout dans un environnement amoureux et, si l’adolescent veut reproduire avec sa copine ce qu’il voit sur ces images, il risque fort de se voir repoussé."
Je pense que le parent ne devrait pas jouer au professeur, du genre : «Moi, je sais et je vais t’expliquer» ! L’ado se braque. Au contraire, il faudrait l’écouter et attendre que les questions viennent et répondre à celles-ci. Pas trop d’information au moment inopportun. En consultation, la maman, peut-être de bonne intention, à propos de sa fille 14-15 ans nous raconte : «Ma fille vient de connaître un garçon, j’aimerais qu’elle prenne la pilule tout de suite»! Surprotection de la mère! Attention à la peur que l’adulte a et qu’il transmet au jeune. Pourtant, la jeune fille, le plus souvent, n’en est pas encore là. Il s’agit souvent d’un flirt et non d’une relation sexuelle. Le premier baiser survient en moyenne à 14 ans 6 mois et la 1ère relation sexuelle chez les filles à 17 ans 6 mois et chez les garçons à 17 ans 3 mois (ces chiffres ne bougent pas depuis 10 ans en Europe Occidentale malgré l’accès facile à la pornographie sur internet). Le jour où elle aurait vraiment besoin des conseils de ses parents, elle se taira, en pensant qu’ils exagèrent chaque fois qu’on leur pose une question.
Voici, la façon du sexophile de donner des conseils sur la sexualité (Iv Psalti, Migraine ou gros câlin ? Editions Anne Carrière, Paris, 2007 ; et aux Livres de Poche, Paris, 2008) :
Il dit aux jeunes de se laisser aller dans la passion, que les premiers moments de la vie amoureuse sont merveilleux pour la sexualité. Mais, il n’oublie pas de faire comprendre à ses interlocuteurs que, une fois la période amour-passion passée, le sexe n’est plus aussi facile, instantané, et que l’amour n’est pas forcément magique et ne se fait pas naturellement. Dans la sexualité, tout est à découvrir, à apprendre, à maîtriser ! Tout le monde peut parvenir à une vie sexuelle riche et épanouissante en faisant l'effort d'acquérir la connaissance et le discernement nécessaire sur le sexe.
C’est seulement après que le sexophile se lance dans un petit exposé didactique, anatomique et physiologique.
Quels messages peuvent passer les parents aux jeunes? D’abord déculpabiliser la «sexualité personnelle»: les fantasmes et la masturbation; expliquer que cette dernière aide à structurer la sexualité et à érotiser son corps. De rappeler ensuite que la «sexualité relationnelle», relation sexuelle entre deux personnes, évolue dans le temps. Dire aux enfants, par exemple : «N’essayez pas de brûler toutes les étapes et essayer de tout faire en même temps. Réalisez peut-être vos fantasmes, mais sûrement pas tous. Laissez encore quelques uns pour vos 20, 30 ans… Et n’oubliez surtout pas vos 70-80 ans». Il faut aider le jeune à se projeter dans l’avenir.
Quand on me demande, "quelle est la meilleure éducation sexuelle que peut donner le parent", je réponds que je préfère les gestes aux mots : «Montrez à vos enfants que vous vous aimez. Touchez-vous, embrassez-vous devant eux. Ils verront des parents aimants. Expliquez que quand la porte est fermée on n’entre pas: papa et maman s’aiment et ils font l’amour… Ils ne sont pas asexués! »
A découvrir, un livre qui pourrait vous aider à parler avec vos enfants
Superbe livre à recommander absolument autour des questions que se posent les adolescentes sur leur corps, leur sexualité et l’amour au moment de la puberté. Avec un vocabulaire riche mais très simple, cette gynécologue aborde tous les sujets sans tabous, parle de la contraception, des MST, de l’homosexualité, des règles, du plaisir… sur un ton rassurant, permettant aux adolescentes de découvrir leur corps et leur sexualité de façon très naturelle.
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