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Dans la tête des harceleurs

Du leader au témoin passif, le harcèlement scolaire a plusieurs visages. Pour enrayer cet engrenage infernal, c’est toute l'école – élèves, enseignants... – qui doit faire front.

L'action du canton de Vaud contre le harcèlement à l'école

D’ordinaire et c’est bien normal, on s’intéresse aux enfants victimes de harcèlement, à leur calvaire. On les plaint et on leur souhaite de s’en sortir sans trop de dégâts.
En face de leur détresse et de leur solitude, se tient le plus souvent un groupe informe d’individus plus ou moins responsables de leur malheur.

« Selon les jours, les enfants qui adoptent des comportements de harcèlement, d’intimidation peuvent être leaders ou bien suiveurs, constate Jennifer Dayer-Lugon, cheffe de projet « Harcèlement-intimidation entre élèves » à l’Unité PSPS* du canton de Vaud. À d’autres occasions encore, ils peuvent fermer les yeux et ne rien dire pour éviter que cela ne se retourne contre eux. »

Coups, moqueries ou insultes, le harcèlement sert à afficher sa domination aux dépens d’une victime identifiée comme telle et à souder le groupe. « Asseoir sa popularité ou sa place au sein d’une bande peut justifier le harcèlement, relève Zoé Moody, professeure à la HEP Valais et chercheuse au Centre interfacultaire en droits de l’enfant de l’Unige. C’est une sanction vis-à-vis de quiconque est différent ou qui ne respecte pas les normes en cours d’acquisition chez ces jeunes. »  Par souci de conformité, un enfant peut légitimer le rejet d’un autre et avoir l’impression d’aider le groupe à faire bloc contre lui. Sans forcément mesurer le mal infligé d’autant que la victime cherche à cacher sa souffrance. Inciter les enfants harceleurs à changer d’attitude passe par une approche non stigmatisante de la part des adultes.

Favoriser le vivre ensemble

Vue de loin, l’école ressemble à une micro-société où les enfants se forgent le caractère au contact de leurs congénères.

« Longtemps, on n’a rien trouvé à redire dans les rapports entre jeunes avant de prendre conscience de certains agissements délétères, souligne Mme Moody. Quand un enfant ou un ado se conduit mal, il faut le recadrer, mais surtout travailler en amont et communiquer avec lui. »

Des valeurs de respect et de bienveillance qui ont cours à la maison n’empêchent pas toujours les dérapages.
« Même avec une bonne éducation, les jeunes peuvent prendre part à des faits de harcèlement et d’intimidation sous la pression du groupe, remarque Mme Dayer-Lugon. D’un autre côté, si au sein de leur famille ou avec leurs copains, les violences font partie des relations, cela peut devenir pour eux ou pour elles un mode de fonctionnement comme un autre. »

Combattre le harcèlement n’est pas si simple, car la plupart du temps il se déroule dans les zones grises de l'école, à l'abri du regard des adultes.

Depuis 2015, le canton de Vaud a mis en place un dispositif de prévention et d’intervention comprenant la « méthode de la préoccupation partagée » (MPP).  Non blâmante, cette approche consiste à discuter avec tous les élèves qui participent de près ou de loin, voire pas du tout, aux brimades et de les impliquer activement dans la résolution de la situation. Les résultats sont très positifs puisque les établissements qui appliquent la MPP rapportent que dans 88% des cas, le climat s’améliore et que le harcèlement s’arrête. Preuve que quand l’école se mobilise, dit non à la violence et agit, il n’y a pas de fatalité.

François Jeand’Heur

*Promotion de la santé et prévention en milieu scolaire (PSPS)

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