Qu’est-ce que la spiritualité?
La spiritualité c’est le fait de respirer. Dans le mot esprit (spiritus) il y a le mot souffle et sans souffle on est mort: c’est l’essentiel de l’être. Selon la Genèse, l’être humain est fait de "glaise et de souffle", de matière et d'esprit: l’homme existe quand il est insufflé.
Dès notre naissance nous faisons notre première expérience de spiritualité: nous ne sommes plus reliés immédiatement à notre mère et nous sommes mis en présence de cet air qui n’appartient à personne, première expérience douloureuse et libératrice. Comme humain, je dépends de l'Autre, des autres, pour vivre je dois alterner ouverture et fermeture, respirer.
On est ou on n’est pas: C’est ce qu’on a de la peine à accepter de nos enfants: ils sont ce qu’ils sont et non pas ce que nous voulons. On a de la peine à l’accepter alors on veut leur apprendre à être. Mais "savoir être" est un non sens: on est.
Spiritualité et religion
Nous sommes des carrefours à travers lesquels les générations passent. L’homme est un nœud de participations, on retrouve cela dès les religions les plus anciennes.
Les religions sont le langage, les habits de la spiritualité dans la mesure où nous ne sommes pas de purs esprits. L’incarnation est une condition nécessaire de notre humanité.
On ne peut réinventer à chaque génération à partir de rien, il y a donc un devoir de transmission. Cette transmission passe par des langages, des pratiques et des rites qui sont nécessaires pour communiquer: nous devons faire avec ces langages, pratiques, et transmissions desquels nous sommes nés.
Il existe des pratiques religieuses sans spiritualité: ce ne sont que des répétitions de rites qui ne font plus sens.
La spiritualité sans pratique? elle peut exister, mais elle est rare parce qu'exigeante. Peu y arrivent et ceux qui y arrivent reconnaissent leur dette par rapport à la tradition religieuse.
Nos cohérences
Poser la question "quelle spiritualité pour nos enfants?" c'est aussitôt s'interroger sur nos cohérences: quelle spiritualité pour nous?
- Capacité d’étonnement:
Nul n’est poète s’il ne s’étonne. Comme parent, on a la chance d’assister et de recevoir l’étonnement de nos enfants. Il peut être difficile pour nous d’accepter de montrer nos étonnements. Dans un monde de routines et de sécurités, il est important de se laisser étonner plutôt que de se laisser fondre dans la banalité du quotidien. Le monde ne peut être que le don de notre regard.
- Capacité d’écoute:
Les enfants posent des questions: pourquoi la mort, pourquoi la violence… Ecouter est le même mot qu’ausculter.
De la même façon qu’en auscultant on écoute le souffle, en écoutant nos enfants on va voir derrière la question.
Nous répondons souvent à coté si la question nous touche… Les enfants ont à nous apprendre et nous devons leur transmettre: nous devons apprendre à partager les grandes questions avec eux et leur indiquer des pistes de réponses.
Bien souvent ils ont autant sinon plus de réponses que nous au niveau existentiel.
Capacité d’entraîner les enfants: on est souvent champion du fait ce que je dis et pas ce que je fais.
S’il y a un abîme entre les discours et la pratique que demander à nos enfants s’ils ne sentent pas qu’il y a une volonté derrière eux? Ils tentent de mettre le doigt sur nos incohérences.
Il faudrait arriver à améliorer notre capacité d’entraînement et réduire nos incohérences.
Enfants: miroirs de la société
La famille est un lieu d’ouverture qui doit affronter différents défis:
Le défi de la pluralité:
nos enfants et petits enfants ne vivent pas dans la même société que la nôtre: ils vivent dans une société hétérogène où existe le défi de la pluralité. Faut-il élever nos enfants dans un système clos ou faut-il tout de suite les mettre au courant d’air de toutes les religions du monde?
Le débat est ouvert, mais, dans les faits, il convient de bien clarifier pour les enfants la spécificité des lieux de transmission:
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un lieu pour transmettre une tradition religieuse typée et qui propose un travail de transmission des convictions religieuses (Eglises, institutions religieuses),
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un autre pour l’échange des religions du monde: l’école où il faut apprendre à se connaître et à se respecter,
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entre les deux, selon sa composition et ses convictions, la famille peut aider l'enfant à intégrer les dimensions de la tradition et de l'ouverture.
Le défi des athéismes:
l’histoire occidentale a une spécificité: l’athéisme. Si pour Voltaire, Dieu est évident comme le soleil, les athées réagissent au christianisme non conséquent et à son message fondamental: cet athéisme s’est popularisé depuis 50 ans. Il ne se pose pas la question de la transcendance d’ouverture (Camus). L'athéisme pratique est devenu une fermeture et nos enfants vivent dans un monde où Dieu a été mis entre parenthèse.
Le défi du shopping:
85% de nos enfants ont le shopping en activité loisirs n°1. Il vaudrait la peine de se demander quelle est la place (contestatrice ou compréhensive) de la spiritualité face à ce phénomène.
Faire ou laisser grandir?
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La loi:
La question de la loi est nécessaire pour structurer, mais il faut avoir en tête que la loi est faite pour l’homme et non l’homme pour la loi. Il y a une interaction entre mes droits et ceux de l’autre. La spiritualité est une respiration vers l’autre, le prochain. Ce prochain ne peut être sacrifié : il faut travailler ces droits qui sont toujours en réciprocité: "ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse". Cette règle d'or se trouve dans toutes les religions. Il y a interaction entre mes droits et ceux de l’autre.
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La transgression:
Il est important de réhabiliter la transgression: il n’y a pas de croissance sans transgression. L’acte de désobéissance donne la possibilité de notre liberté. La faute est en soi une bonne chose : Qu’est ce qu’on fait de cette bêtise, à quoi sert-elle, comment nous fait-elle réfléchir? Le reproche rapproche. Il n’y a rien de pire que les gens irréprochables. Nous sommes ce que nous sommes grâce à nos désobéissances et nos transgressions.
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La transmission: Transmettre aux enfants les récits fondateurs c'est leur transmettre des valeurs.
Les récits des traditions religieuses permettent une surface projective: ça se passe ailleurs, il y a très longtemps. Ainsi un certain nombre de conflits peuvent cheminer et se régler.
Notre rôle est un rôle séminal : on doit semer quelque chose, poussera - poussera pas: l’esprit souffle. Il faut permettre à nos enfants de prendre leur place.
Questions:
1. Quand un enfant questionne sur quelque chose de précis, que lui répondre?
Avant de lui donner la bonne réponse, il est intéressant de voir ce que l’enfant pense. Il y a un travail à faire par approfondissement, par les jeux de question/réponse. Il faut à la fois donner une réponse perso : moi je pense ceci ou cela, et dire c’est comme ça qu’on me l’a raconté et cette réponse fera son chemin en lui.
Si on bétonne trop avec les certitudes, l’enfant rejettera tout ou bien suivra le schéma. Il vaut mieux laisser un peu de mou.
2. Transmission d’une tradition orale. Est-ce bien de le faire même si les enfants rejettent ou il vaut mieux le laisser découvrir par lui-même?
Il est très important de transmettre car sinon il ne peut y avoir de transgression. Et la transgression est importante pour grandir. Il faut qu’il y ait un rejet pour avancer, pour grandir. Il faut faire attention à la perte de mémoire d’une culture.
Dans les cultures minoritaires, les rites sont très cadrés et la transmission est forte.
Dans les cultures majoritaires, il faut redécouvrir le sens de la transmission.
Dans la société actuelle, les jeunes ont peu d’allergie car ils ne connaissent pas grand-chose. Il faut retrouver le fait qu’on est des petits nains sur les épaules de ses ancêtres.
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