Un article proposé avec Gilles Cretennand des ateliers MenCare
pour les futurs et jeunes pères à Lausanne et Genève
Enfin il est là, mais que ce fût long !
D’initiative en contre-projet, le peuple suisse s’est finalement prononcé le 27 septembre dernier sur l’introduction d’un congé paternité. C’est un beau bébé, plébiscité à plus de 60% par quelque deux millions de votants et qui « pèse » deux semaines.
Pas un peu maigrichon, tout de même ?
« Par rapport à avant, c’est dix fois mieux, observe Gilles Crettenand, coordinateur de maenner.ch pour la Suisse romande.
Jusqu’à présent, l’employeur libérait le père qu’un seul jour sans même être obligé de le payer. Même si c’est un minimum, il représente une avancée qui va permettre de s’organiser à l’arrivée de l’enfant. » Mauvais élève parmi les pays occidentaux, la Suisse qui brillait par son absence de congé paternité – et aussi de congé parental – a ainsi rattrapé une partie de son retard. « C’est un premier pas qui reste en deçà de ce qui se fait ailleurs, note Isabel Valarino, membre du Réseau international de recherche sur les congés parentaux. La Suisse va continuer à figurer en bas du classement des pays membres de l’OCDE où la moyenne des congés payés pour les pères était de huit semaines en 2019. » C'est donc un petit pas pour l'homme, mais est-ce un bond de géant pour la famille ? Pour le partage des rôles et l’égalité dans la répartition des tâches ?
Nouvelle réalité, nouvelles valeurs
Pour certains de ses opposants, le congé paternité ressemble à des vacances que les hommes vont passer dans leur canapé à siroter des bières.
« Ceux qui avancent ce genre d’arguments ne se sont jamais occupés d’un bébé sinon, ils sauraient qu’en fin de journée on est exténué, répond M. Crettenand. Ces deux semaines vont réinterroger la mission de chacun dans le couple et pour ceux qui le peuvent, le mode de vie familial qui convient à leur réalité et à leurs valeurs. »
Bien que la famille évolue, l’Etat tourne toujours la tête quand bébé montre la sienne, considérant qu’il s’agit là du domaine privé. « L’idée de responsabilité individuelle est très ancrée en Suisse, rappelle Mme Valarino. L'équilibre des forces politiques, l'adoption tardive du suffrage féminin, les différences entre les régions et entre le monde urbain et rural peuvent expliquer que l’Etat soit en retrait sur les sujets de politique familiale. » Différence de salaire, moyens de garde réduits et coûteux assignent le plus souvent la mère à la maison et l’homme au travail.
Mais de plus en plus, les nouvelles générations de pères aspirent à un autre schéma que celui imposé par le système.
« Le congé paternité offre un répit à la femme et donne sa part de responsabilité éducative à l’homme, estime M. Crettenand. Et la qualité de vie dans le foyer va s’en ressentir durablement. »
Les ateliers MenCare pour les futurs et jeunes pères à Lausanne et Genève attestent de l’intérêt croissant et de la motivation des hommes à veiller sur un nouveau-né. Les études montrent également un impact réel. « Il est prouvé que quand le père prend soin de son enfant dès le début pendant au moins deux semaines, son implication est plus importante à moyen terme, souligne Mme Valarino. Sans parler de révolution, le congé paternité agit concrètement sur les relations père-enfant. »
Parce que Junior demande beaucoup d’attention, réduit les heures de sommeil et chamboule les habitudes, le congé paternité s’avère bien utile pour faire face à cet événement. Poussez poussette, chauffez biberon, changez layette, papa a désormais tout bon !
François Jeand’Heur
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