Un article écrit par Anne Jeger, psychologue clinicienne.
Elle reçoit des enfants, des adolescents et des adultes confrontés à des ruptures de lien (décès, maladie grave d'un proche, séparation,...), des difficultés familiales, scolaires ou professionnelles, des problèmes relationnels ou des questions existencielles.
L’adoption est une aventure humaine exceptionnelle. Elle commence dès le moment où naît le désir d’adopter un enfant et dès que l’enfant adopté apprend qu’il va avoir des parents adoptifs.
Jusqu’à son adolescence, l’enfant adopté et sa famille passent par diverses étapes d’apprivoisement et d’ajustement.
Arrivé à l’adolescence, le jeune homme ou la jeune fille ouvre la porte sur une autre étape et pas des moindres qui va soit se dérouler relativement dans le calme soit venir bousculer toutes les certitudes - s’il y en avait!
L’enfant adopté a sa personnalité, son caractère, son histoire, une famille adoptive, des frères et sœurs adoptés ou non, une famille élargie, des amis ...
Il évolue avec son bagage de départ dans cet environnement-là et s’est construit comme il a pu - souvent en devant beaucoup s’adapter et en cherchant sans cesse un équilibre psycho-affectif et émotionnel.
A l’adolescence se pose la question existentielle Qui suis-je ?
Qui suis-je par rapport à ma mère, mon père ? Qui suis-je par rapport à mes amis, mes pairs ?
Ceux ci vont prendre de plus en plus de place dans la vie de l’adolescent qui a besoin d’appartenir le plus souvent à un groupe qui lui ressemble ou à qui il veut ressembler.
L’adolescent adopté se pose cette même question souvent mariée à cette interrogation : À qui je ressemble ?
Il peut passer des heures devant le miroir et chercher des ressemblances, des traits communs avec ses parents adoptifs tout en cherchant les traits de ses parents biologiques.
L’adolescent adopté est habité par des croyances, des émotions, des ressentis, des idéaux, des loyautés.
Est-ce que je trahis mon père ou ma mère si je m’intéresse à mon pays d’origine ? Et si je m’intéresse à mes parents biologiques ?
L’enfant adopté a une histoire particulière qu’il partage avec ses parents adoptifs.
A l’adolescence, c’est souvent le moment des règlements de compte...ou pas.
Beaucoup d’entre eux se sentent redevables, endettés d’avoir été ainsi accueillis, aimés, choyés, ... c’est parfois un poids lourd à porter. Ils l’entendent aussi de la bouche de leurs parents: « Après tout ce qu’on a fait pour toi ... tu te rends compte, si tu étais resté là-bas, où tu en serais aujourd’hui ... »
Leur crise d’adolescence est non seulement le moyen d’exister par eux-mêmes, de se positionner, mais aussi de rendre à leurs parents les patates chaudes dont ils ne veulent plus.
JE N’AI RIEN DEMANDÉ !
Ceci passe parfois par des crises violentes marquées d’incompréhension.
L’adolescent adopté confronte ses parents à sa différence, continue à tester le lien pour certains d’entre eux. Va-t-il résister ?
D’autres adolescents ne feront pas de crises, pas de vagues. Ils ne (se) poseront pas de questions, par crainte de blesser leurs parents. Ils s’adapteront à ce que l’on attend d’eux ou de ce qu’ils imaginent des attentes des autres.
Cela va leur coûter cher psychiquement .
La crise d’adolescence est une étape nécessaire pour remettre en question les croyances, les valeurs et les injonctions de ses parents. Elle n’est pas systématiquement violente mais elle doit se faire.
Pour quoi ? Pour devenir loyal à soi-même et s’autonomiser, s’affranchir progressivement des liens parentaux originels. Tout simplement parce qu’un enfant est différent de ses parents.
Un adolescent adapté cherchera à faire plaisir, à ne pas blesser, à ne pas décevoir, à être à la hauteur. Il évitera les conflits, ne posera pas de questions.
Mais elles existent, enfouies quelque part au fond de lui. Il les exprimera peut-être 10, 20, 30 ans plus tard et se donnera le droit de chercher des réponses, d’aller à la quête de ses origines.
Il arrive que la mort de ses parents adoptifs soit le déclencheur de celle-ci.
Dans tous les cas, l’adolescent adopté a conscience qu’il a deux arbres généalogiques. Il s’y intéresse ou pas.
Je rencontre des enfants adoptés qui très jeunes posent des questions; d’autres, de la même fratrie, qui n’en posent aucune.
Je rencontre des adolescents qui souhaitent retrouver leur mère biologique; d’autres qui l’ignorent ou lui en veulent rageusement.
Je rencontre des adultes adoptés qui consultent parce qu’ils n’arrivent pas à avoir d’enfant; d’autres qui se questionnent sur leur identité ... enfin.
Et quel soulagement...
S’entendre dire « Tu n’es pas ma mère/ mon père » à l’adolescence est fréquent.
Alors que certains enfants de parents biologiques s’inventent d’autres parents car ils se sentent différents des leurs et aimeraient avoir été adoptés "Je ne suis pas leur fils j’ai dû être adopté" . J'entends certains enfants adoptés idéalisent leurs parents biologiques et s’inventent une famille originelle rêvée. Car la réalité est souvent trop difficile à accepter ou à concevoir.
Ceci peut se présenter à l’adolescence et quelques fois avant.
La cohésion familiale, la disponibilité, l’amour donné sans conditions, les amis, la vie scolaire, la vie extra-scolaire, les ressources, les appuis, vont soutenir la croissance de l’adolescent adopté et son devenir adulte.
Commentaires