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Conflits de loyauté: entre famille et école, valeur à partager?

Logo_Edp_150.jpgENTRE FAMILLE ET ECOLE : VALEURS A PARTAGER ?

Mr. Ph. De Vargas
Enseignant, ancien directeur à l'Elysée
ancien directeur de l'ODES
 

Entre la famille et l'école il y a l'enfant, principal acteur et victime des conflits de loyauté entre les parents d'un coté et les enseignants de l'autre. Les conflits de loyauté peuvent revêtir différentes formes, mais ils résultent souvent d'un conflit de valeurs.


Qu'est-ce qu'une valeur?
C'est un bien immatériel ou matériel reconnu comme désirable dont la recherche ou la possession est digne d'efforts et de sacrifices. Elles peuvent être classées et sont différentes selon les cultures et les personnes :
Il y a 50 ans, la plupart des gens plaçaient en haut de la pyramide des valeurs: Dieu, puis la Patrie, la famille, la loi, les honneurs... Dans ce système, les valeurs traditionnelles sont supérieures à l'individu, il y a une marche vers un certain idéal qui grandi la personne.

Aujourd'hui, dans notre société qui a vécu Mai 68, si certaines personnes conservent ces valeurs, il n'existe plus de consensus sur les valeurs.
Les sociologues distinguent 9 types de familles qui entretiennent chacun des rapports particuliers aux valeurs.

Pour simplifier, on peu définir 5 modèles de familles et autant de rapports à la loi:

  • La famille anarchique: n'a ni loi, ni règles;
  • Permissive: il y a une loi, des règles, mais il n'est pas nécessaire de s'y soumettre: je te permets de faire des choses que je n'aurais pas choisi pour toi, mais c'est ta liberté de le faire;
  • Participative où les enfants participent à la formulation des règles, dans le cadre fixé par la loi. On respecte la loi, mais l'application de la loi est fixée avec les enfants: ce sont les discussions autour d'in projet de famille, de vacances…;
  • Directive: dans le cadre fixé par la loi, les parents formulent les règles et les font respecter: loi religieuse, morale et légale. Modèle n'excluant pas la discussion avec les enfants et pouvant expliquer les valeurs qui fondent les choix de comportement ;
  • Tyrannique: les parents (souvent le père) incarnent la loi. C'est lui qui dit la loi. C'est la réponse classique" c'est comme çà" à la question "pourquoi".

Ces différents types de famille ont forcément des attentes différentes vis à vis de l'école:
les uns réclameront plus de discipline et de sévérité, d'autre moins,
les uns réclament plus de transmission de connaissance, les autres plus de créativité, d'autre encore plus d'esprit critique,…
S’il y a pluralisme du coté des parents, il y a aussi pluralisme du coté des maîtres qui peuvent être tyranniques, participatifs, permissifs ou directifs. Mais les enseignants font partie d'un système, ils ont reçu une certaine formation: il devrait donc exister entre eux un certain consensus sur les principes de base: en pratique les deux extrêmes sont assez rares et les maîtres appliquent les consignes qui leurs sont données.

En revanche, du coté des parents, il n'y a pas vraiment de règles directives. Il y a donc un chassé croisé extraordinaire entre les parents et les enseignants. Et pourtant les enquêtes d'opinion montrent que 90% des parents et enseignants se montrent satisfaits les uns des autres. Il y a un consensus entre les parents et les enseignants: on s'entend bien mais le dialogue peut s'améliorer.

Dans les textes qu'en est-il ?

L’article 3 de la loi scolaire parle de valeurs et en définit quelques unes: complémentarité entre école et famille: il n'y a pas de domaine réservé ni à l'école ni aux parents, mais il y a un domaine où l'action de l'école est principale, celui de l'acquisition de connaissances, des techniques et des méthodes (aspect pratique). Elle vise aussi à développer les facultés intellectuelles de l'enfant, manuelles et créatrices,…
L'autre domaine où les parents ont le rôle principal:celui de la tache éducative.
La visée de l'école et les valeurs qui sont les siennes dépasse l'individualisme. Elles ne sont pas uniquement centrées sur l'enfant mais vise son intégration dans la société.
Cet article est pétri de valeurs et on peut s'en servir pour élaborer des textes destinés à construire un certain consensus en matières de valeurs.
L’article 4 de la loi scolaire: Respect des différences religieuses, morales,…
Il y a donc dans les textes officiels, une possibilité pour l'école et la famille de se mettre d'accord sur un noyau minimal de valeurs, en plus des valeurs d'instruction, relevant du domaine scolaire et éducatif

Ces valeurs pourraient être :

  • Respect de soi même : respect de sa sécurité personnelle et abstention de ce qui pourrait mettre en danger grave la vie ou la santé. Ce sont les valeurs de sécurité et plus particulièrement la sécurité routière, la lutte contre la toxicomanie La vie est précieuse : c’est une valeur que les enfants comprennent vite.
      
  • Son corollaire est le respect d'autrui: je ne peux pas être respecté si je ne respecte pas autrui, si je m’adresse à lui avec des termes grossiers: ce qui exclu du vocabulaire les gros mots: les parents et maîtres, sévères ou non peuvent être d'accord la dessus.
  • La justice et la paix: deux valeurs sensibles pour les enfants.
  • Et respect de l'environnement: ou développement durable: développement compatible avec la préservation des ressources naturelles et du milieu naturel ou construit, animal, végétal et humain. Ce respect doit devenir une valeur vitale.
    Courage, persévérance et patience:des valeurs à développer autant chez les enfants que chez les parents.
  • Autonomie:être autonome dans l'acquisition des connaissances : acquérir des connaissances c'est faire preuve d'esprit critique. C'est construire personnellement ses connaissances, ce qui demande une certaine autonomie. Chaque élève construit son savoir à partir de ce qui lui est fourni à l'école. Ce dernier concept ne fait pas l'unanimité. Certains parents pensent que les enfants doivent leur obéir. Et exercent une surveillance de tous les instants. Or, il faut bien tabler sur une certaine confiance envers l'enfant. Autrefois l'encadrement social de l'enfant était beaucoup plus efficace et tout le monde y contribuait. Aujourd'hui on est obligé de tabler sur un sens des responsabilités de l'enfant: il faut donc le développer ce sens et le construire, ce qu'on ne peut faire à coup d'interdiction et de menace. Il faut que l'enfant arrive à un degré de confiance suffisant pour faire ensuite ses choix autonome. Pourtant l'accord général sur les valeurs est difficile à atteindre. Mais ce noyau dur pourrait rallier 98%-99% de la population.

Et l'enfant dans tout cela ? Il lui arrive d'être tiraillé entre sa famille et son école. On peut l'aider à être moins partagé en lui permettant d'acquérir une certaine autonomie et une certaine distance. Pour cela, il doit admettre et prendre conscience du fait que les règles du jeu changent selon le milieu et l'endroit dans lequel il se trouve. Mais on peut aussi l'aider à acquérir une certaine distance entre les différentes valeurs car bien souvent il doit quitter une culture pour entrer dans une autre: la diversité de mœurs et coutumes entraîne une variété de comportements.

Conclusion:

Bien qu'il y ait des valeurs communes, l'enfant est souvent tiraillé entre sa famille et son école.
Mais l’enfant sait, bien souvent, qu’en changeant de jeux on change de règle. Cette notion de règle du jeu est importante: chaque jeu a sa règle, aucune n'est meilleure que l'autre. A l’école on applique telle règle, à la maison telle autre.
La vraie guerre des valeurs n'est pas entre les familles et l'école, elle est ailleurs, entre tous les éducateurs, parents et enseignants et la société de consommation, la publicité, la tv, les jeux vidéo. Et cette guerre des valeurs donne des injonctions contradictoires aux enfants: les parents et enseignant disent à l'enfant: contrôle-toi, la pub dit: éclate-toi , les parents ou enseignants: fais des efforts, travailles, et la publicité dit: fais-toi plaisir, les parents appliques-toi , la pub dit :soit cool, respecte les droits des autres disent les parents et les maîtres, tu as tous les droits dit la publicité.
Entre la famille et l’école il y a des valeurs à partager. On peut partager comme on partage un gâteau: une part à l'un et une part à l'autre, mais on peut aussi partager comme on se rallie ensemble à une cause: partager une cause ou une joie.
Entre l'école et la famille, il y a des valeurs à partager dans les deux sens: les valeurs proprement spirituelles ou religieuses sont du ressort de la famille: elle a toute liberté pour gérer ces valeurs comme elle le souhaite. Mais il y a d'autres valeurs qui sont à partager dans le deuxième sens: tous ensemble, parents et enseignants, nous sommes appelés à les promouvoir. Ce n'est pas une allégeance mais une alliance. Ces valeurs sont à partager avec les enfants, ce qui est plus délicat car les valeurs ne s'inculquent pas, elles se transmettent par l'exemple, par la volonté de celui qui les reçoit et pour partager des valeurs avec nos enfants, nos enfants doivent y adhérer librement.

Question 1: J'ai l'impression d'un mouvement de balancier: on est partie de mai 68, puis des tendances réactionnaires font jour,…Qu'en pensez-vous ?
Il me semble qu'on revient vers une vision plus équilibrée des choses. Ni l'enfant, ni les parents ne sont heureux quand il n'existe pas de cadre. La société évolue. Certaines choses sont à la mode un moment, puis on en revient

Question 2: Est-ce que la notion de territoire dont vous avez parlé signifie : à l’école on suit les règles de l’école et dans la famille, celles de la famille ? Certaines peuvent-elles se recouvrir ?
La notion de territorialité ne recouvre pas forcément tous les domaines : les enfants savent très bien que les règles applicables chez les grands parents ne sont pas exactement les mêmes que celles qui sont applicables chez les parents. Toutes les règles ne sont pas valables partout, mais les grandes règles de respect, de l’autre, de soi-même, de l’environnement, les grandes valeurs de liberté et d’égalité restent toujours. Elles peuvent se moduler différemment, mais il doit y avoir à la fois une adaptation aux situations différentes et puis une fidélité à ce qu’on doit appeler un noyau central de règles.

Question 3 : On a parfois l’impression d’une opposition entre le rôle d’instruction et le rôle éducatif des enseignants ? Pour certains, l’enseignant n’a qu’un rôle d’instruction mais pas éducation.
C’est une erreur. Les enseignants ne doivent pas que transmettre un savoir. Penser cela est un rétrécissement commode qui est dû au fait, je pense, que beaucoup de maîtres sont submergés. S’il y a un désaccord, un conflit à ce niveau, il faut dialoguer avec eux. S’il y a un malentendu il faut aller en parler avec le maître, faire des groupes de parents pour aller discuter.

Le résumé de cette conférence a été fait par Isabelle Henzi de Boissoudy de l’association Lausanne Famille.

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