Résumé d'une conférence du Docteur Gérard Salem,
Psychiatre FMH, Thérapeute de famille
On peut se faire du mal au sein de la famille. Et cette responsabilité incombe à toute la société car nous sommes tous dépendants les uns des autres.
A ma naissance, je viens au monde, né d’un homme et d’une femme: 2 êtres se sont penchés sur mon berceau et ils m’apportent différentes choses. Je suis jeté dans la vie, dans la confiance obligatoire en mon père et en ma mère. Je n’ai pas le choix car si je refuse, le bébé que je suis meurt.
Cette dépendance dure environ 20 ans chez l’homme. Le bébé doit faire confiance qu’il le veuille ou non, à cette femme et à cet homme pour manger, boire, dormir…c’est une expérience totale, psychologique, émotionnelle, éthique... Et nous nous en souviendrons toute notre vie. La survie du bébé dépend de cette confiance. Quand il y a 2 personnes qui se penchent sur le berceau c’est une expérience encore plus intéressante car alors il y a interaction: le père avec moi, la mère avec moi et le père et la mère ensemble.
C’est le premier modèle de cette relation où je ne suis pas directement impliqué. Je serai imprégné de cette 1ère expérience, mais je pourrai corriger le tir toute ma vie. Selon l’attitude de mes parents entre eux et avec moi, mon destin et mon style de relation seront influencés. Ainsi, je serai toujours enrichi par mes premières expériences émotionnelles.
Elle joue un rôle fondamental dans notre destin. C’est une expérience non limitative qui donne espoir et confiance dans notre destin de réduire la misère, la méchanceté et de donner plus de chance à notre capacité de nous faire du bien.
Ainsi, toutes les familles sont capables de se faire du bien et/ou du mal comme les parents sont capables de se déchirer alors qu’ils se sont aimés.
Cellule de base de la société. La mode actuelle de l’individualisme est de dire qu’on peut divorcer librement, lâcher prise, ouvrir ses chacras, s’aimer d’abord soi, s’épanouir….
Est-ce que ça justifie qu’on soit odieux? Qu’on jette alors à la poubelle sa responsabilité de l’autre, nos obligations, nos devoirs?Quelle est notre destinée quand on sait que nous sommes des êtres dépendants?
Le cliché le plus répandu explique: comme j’ai été maltraité, je maltraite mes enfants. Ce n’est vrai que dans 30% des cas. Ce n’est pas la majorité. On a toujours la capacité de réagir. Nous ne sommes pas les marionnettes de notre destin.Un psychologue américain a écrit que la psychologie avait infantilisée les gens. Tous les clichés diffusés par les magazines nous apprennent comment être individualiste. C’est beaucoup plus compliqué et à la fois beaucoup plus simple. La mode aujourd’hui c’est «Destroy, no futur… » C’est le règne du «sens de soi» et non de notre sens des responsabilités.
On nous apprend comment devenir individualiste, à détruire plutôt que coopérer ou comprendre.
La psychothérapie classique a fait du mal en flattant notre égocentrisme au détriment de notre responsabilité sur le monde. Elle flatte en nous notre besoin de régression. Alors qu’il faut nous éveiller à notre responsabilité politique. Tout ce qu’on décide et qu’on fait a de l’impact sur notre vie et notre destin et la vie et le destin des autres.
Il faut, pour l’humanité, des psychologues qui réveillent en nous des entailles initiatiques: «J’ai eu des parents indignes: je peux me plaindre toute ma vie». Mais je peux aussi dire: «Ils ont fait comme ils ont pu». Alors, je m’approprie mes épreuves et je fais avec. J’en fait mes propres scarifications et je vais réagir: c’est la résilience: je ne suis pas un assisté.
Etre responsable de soi c’est une chose. Etre responsable des autres s’en est une autre. Il faut renforcer les liens mutuels, les dépendances mutuelles. Et ensuite on va mieux.
Restaurer le lien mutuel aide les gens à aller mieux. Se déchirer, s’aimer c’est inévitable car on est tous vulnérables, bien-traitants et maltraitants.
Hausse des divorces en suisse : il passe la barre des 50% : l’enfant va donc grandir dans ce milieu.
Est-ce que les parents se déchirent ?
Est-ce un bien ou est-ce un mal ?
On entend souvent des phrases disant «C’est affligeant de donner aux enfants de mauvaises images", ou bien "il ne faut pas que les enfants voient les parents se déchirer" ou encore "mieux vaut un bon divorce qu’un mauvais mariage", "ne nous déchirons plus en nous déchirant définitivement…»
Et ce sont alors les familles recomposées avec 8 arbres de noël, les enfants un week-end sur deux, et ….
Alors qu’il faudrait en réalité donner une chance à la reconstruction, au dialogue et à la compréhension, c'est-à-dire à la confrontation.
Quand les parents se déchirent ou sont harmonieux, ils influencent mon destin et ma façon d’être adulte : mon père est comme ci, ma mère est comme ça. Mais ils restent mon père et ma mère. Ce qui m’aidera à réfléchir sur ce que je vais faire comme père ou mère. Refuser ce qu’on a pu vivre d’injuste est un bon moteur pour changer le monde. Mais c’est aussi un moteur qui peut être dangereux.
Elle peut être positive, contrairement à ce qu’on croyait au début. Surtout pour les familles maltraitantes. C’est normal que le juge les demande: un enfant dont les parents s’entredéchirent est condamné à une survie aléatoire. C’est une tâche de la société de reconstruire un espace vivable pour cet enfant, de réunir les familles, de les confronter, de donner la chance de reconstruire quelque chose.
Nous avons tous le choix de nous détruire ou de nous jeter dans la confiance: devant celui contre lequel je lutte à mort, je choisi de me jeter dans la confiance.
Le résumé de cette conférence a été fait par Isabelle de Boissoudy de l’association VaudFamille.
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