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Liberté ou valeurs, doit-on choisir?
Logo_Edp_150.jpgLiberté ou valeurs, doit-on choisir?   
Dr Gérard Salem - Psychiatre FMH
Thérapeute de famille - Privat-docent à la Faculté de Médecine

Ce titre nous pose la question de savoir si les notions de liberté et de valeur s’affrontent ?
Quelle est la nature de ce que nous pouvons transmettre  à nos enfants, sommes-nous libre de transmettre ce que nous voulons ?.

A. Valeur et liberté : des notions opposées ?

1. Valeur : deux significations :

  • Ce en quoi une personne est digne d’estime sur un plan moral, intellectuel et physique. Il y a une notion d’évaluation : quelle est la capacité de cette personne à susciter l’estime : on ne vaut que ce qu’on a fait.
  • Caractère durable d’un objet susceptible d’être mesuré ou échangé : aspect mesurable, quantitativement évaluable. Or l’estime n’est pas quantitativement évaluable.

La valeur marchande semble prendre le pas sur l’autre : la signification du mot valeur est floue, incertaine.
L’économie est reine, ce qui s’en ressent jusque dans le vocabulaire : on parle de gestion des émotions, des relations. Ce vocabulaire crée un leurre : on ne sait plus trop comment élever les enfants.

2. Et la liberté ? N’est-elle pas une valeur  à transmettre?
Suis-je conscient de ce que je transmets à mes enfants? Le piège serait de confondre la notion de valeur et de liberté.
La révolution de mai 68 balaie tous les carcans de valeurs traditionnelles et les parents deviennent des «parents modernes». 

Mai 68 n’arrive pas tout seul, il est l’héritage d’autres choses :

  • La révolution industrielle: grand impact sur les familles: Avant cette révolution la société est basée sur un système pyramidal patriarcal : l’homme le plus âgé commande : il garanti la valeur de la pyramide hiérarchique
    Et la femme la plus jeune obéit : elle tire sa valeur de sa qualité de mère et d’épouse.
  • La révolution industrielle balaie tout ceci: la valeur de quelqu’un est directement lié à sa rentabilité : combien il produit à l’usine, et ce quelque soit son âge, son sexe,…
  • La psychologie: fin du 19ème, on découvre la psychée humaine et au cours des années il y a une vulgarisation des notions psychologiques : l’homme moderne se désaliène et prend conscience de son identité individuelle.
  • 2 guerres et un baby boum:  les anciennes valeurs sont un peu passées et qu’ils faut chercher de nouvelles valeurs. Ce fût d’abord le communisme et les résultats que l’on connaît.

Maintenant nous sommes en pleine euphorie néo-libérale. Un monde où il est devenu plus commode d’être un homme libre et non aliéné : la liberté confirme son opposition à la valeur traditionnelle. La culture égoïste ambiante fait disparaître les dernières valeurs de la loi et lors de crise du système économique marchand, on voit apparaître une augmentation de la violence, de la solitude et de corruption. Ces trois maux font désormais partie de notre quotidien.
Et ce sont les jeunes qui en souffrent le plus et ce sont eux qui se suicident le plus: ils s’ennuient, ils veulent mourir, ils se sentent seuls.
Ils vivent dans un grand désarroi et parfois s’orientent vers des systèmes qui leur semblent avoir plus de colonne vertébrale: on note des retours vers les différentes églises et vers des systèmes plus durs qui manipulent en donnant soi-disant un climat de relation «juste et équitable», qui jouent sur le désarroi et la solitude des jeunes.

B. Les alternatives: l’étique

1. L’éthique, qu’est-ce que c’est?

L’éthique est une question parle beaucoup: bio-éthique,…C’est une valeur qu’on construit ensemble sans avoir telle ou telle couleur ou appartenance.
Que transmettre à nos enfants ? Y a-t-il des valeurs à leurs transmettre ? quelles sont-elles ?
Ce qui amène à la question : Comment suis-je comme parent pour te conseiller et t’aider à discerner les choses ?
Ce sera l’éthique : pas comme une façon de penser mais comme une condition essentielle de survie.
L’éthique qui permet de dire : je ne suis pas seul : d’autres sont là .
Ce qui entend la notion de partage :
cette fille là est-elle comme moi ? a-t-elle les mêmes droits que moi ? Comment est-ce que je me détermine par rapport à ce que vit cette personne, par rapport à ses droits, à ses devoirs, à ceux qui découlent des miens vis-à-vis d’elle, est-ce que j’établi une relation équilibrée avec l’autre….
Ce type de morale découle de l’éthique. La loi, les tribunaux découlent de l’éthique. Les systèmes juridiques où ont se met à plusieurs pour construire (les société coopératives, …) relèvent de l’éthique, de la conscience humaine. Les animaux n’ont pas ce choix. Décider de ce qu’on va faire est faire un choix. Pas un choix spirituel mais un choix de vie. Il y a une nécessité de partager avec ses enfants sa vision du monde

2. Développer des relations basées sur l’ éthique
Martin Buber, dans son livre  « Je et tu » compare les relations Je/Tu par rapport à Je/Cà, l’objet.
Qu’est-ce que ça veut dire dans la relation humaine ?

  • La relation Je/Tu entraîne la réciprocité : chacun des partenaires sait que l’autre tient compte de lui : c’est une personne à part entière : elle est là avec tout : ses choses agréables et non agréables. Chacun sait que l’autre pense ceci. C’est une communion intersubjective : je sais que tu sais…je sens que tu sens que je sens….
  • La relation Je/Cà n’entraîne pas la réciprocité : dans ce type de relation ce n’est qu’une partie de toi qui m’intéresse : pas ta personne dans son entier, juste ce que tu m’apportes : ce qui entraîne la ségrégation, le racisme, …Cette manière de relation va très bien avec le culte du moi et permet aussi la manipulation : je vais faire comme si je m’intéressais à toi : tu dois obéir à cette règle car je sais Moi, ce qui est le mieux pour Toi, je sais mieux que toi ce que tu dois penser : ce sont les interdits de penser.

Il est important de considérer l’Autre comme un autre soi-même.
Faut-il d’abord s’aimer soi pour aimer autrui ? ou bien on apprend à s’aimer au travers  de ses enfants, des autres. 
Dans son livre «soi-même comme un autre», Paul Ricoeur  écrit pour ceux qui doivent apprendre à s’intéresser à eux-même. Certains se sentent indispensables aux autres, ne pensent qu’à se rendre utiles et s’oublient. Ils ont peu de d’estime pour eux-mêmes, peu de respect d’eux-mêmes. Il est important de développer cette estime de soi.

Dans les maltraitances envers les enfants les plus grandes sont les négligences, les carences et le manque de présence. L’abandon « clean » de l’enfant. On abandonne. On lâche. Notre sens de l’éthique s’émousse et on est tenté d’abdiquer.
Comment transmettre nos valeurs à nos enfants ? Comment éduquer notre enfant sans lui «désobéir», sans dire oui à tout, lui faciliter tout, refuser d’être en conflit avec l’ado ?
Anna Arent, dans son livre, parle de la banalité du mal, pour dénoncer ce qui fait que quelque chose de négatif  qui devient banal : «on peut s’épuiser à être acteur du script de sa vie prévue par d’autre et un jour on devient acteur de sa vie»
Pour aider nos enfants à être acteur de leur vie, il faut développer des relations subjectivantes: j’aide l’autre à devenir sujet . Nous avons vécu différentes époques pour inspirer nos conduites sociales. Celles-ci s’inspirent de nos concertations sociales. On peut transmettre à nos enfants par l’exemple que nous donnons  dans nos attitudes vis-à-vis de nos parents, de nos parents, de nos amis.

Questions :
1. Actuellement on assiste à une confrontations de valeurs entre les valeurs traditionnelles des populations  immigrés et celles de  nos sociétés. Comment faire ?
Il y a une nécessité absolue de trouver un langage commun afin d’apprendre à cumuler les deux cultures. Il n’y a pas de textes de loi qui se confrontent à l’éthique. Il faut laisser aux enfants la chance de se brasser au maximum car les enfants sont passionnés par les débats éthiques.

2. On nous dit qu’il faut être présent avec nos enfants. Mais la pression du travail, du chômage est importante. Est-ce un problème individuel ou la société peut- elle tout  justifier ?
Avant on était moins exigent sur la nécessité de s’occuper et d’être présent auprès de ses enfants. Or se rend compte que l’instinct maternel peut s’émousser avec les pressions sociales. Si on dit c’est le système, on s’anesthésie. Pourtant on est responsable de notre enfant. Le discours de se protéger soi-même fait oublier que nous devons nous occuper de nos enfants, que nous sommes responsables de nos enfants.

3. Souvent les parents sont seuls et démunis. Ils sont vulnérables et ont besoin d’être aidé. Comment ?
On doit pouvoir dire les choses aux parents, ne pas toujours faire de l’empathie.
Attention, lorsqu’il y a plusieurs intervenants dans l’éducation des enfants il peut y avoir confusion. Trop de modèles peuvent dérouter et créer une certaine « surdité émotionnelle »

Le résumé de cette conférence a été fait par Isabelle Henzi de Boissoudy, association Lausanne Famille.

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