Pour s’en sortir les victimes pour la plupart des femmes, peuvent compter sur des lois qui les protègent et des structures d’accueil à l’écoute.
La violence domestique est l'un des plus grands sujets de santé à travers le monde. La Suisse est aussi touchée par le fléau et les chiffres sont là pour le rappeler. Deux femmes meurent sous les coups de leur conjoint tous les mois et plus d’une cinquantaine sont l’objet d’une tentative d’homicide chaque année. Cette réalité a poussé les gouvernements à réagir et à prendre récemment des dispositions.
«La Suisse a ratifié la Convention d’Istanbul début 2018, note Michèle Gigandet, codirectrice du centre d'accueil MalleyPrairie à Lausanne. C’est un traité international contre les violences domestiques, pour venir en aide aux victimes, aux enfants, pour traiter les auteurs. C’est une reconnaissance politique d’un problème de société.»
La loi a beaucoup évolué en Suisse et traduit la prise de conscience des instances politiques.
Depuis le 1er avril 2004, la loi prévoit que tous les actes de violence au sein du couple soient poursuivis d’office. «Ça veut dire que même si la femme ne désire pas porter plainte lors d’une intervention de la police, une action contre le responsable des violences est engagée, explique Viviane Vaney, intervenante au centre LAVI à Lausanne. Et ça, ça change la visibilité même s’il n’y a pas forcément plus de violence. Simplement, la justice a désormais plus de moyens pour intervenir.» La police a également le droit en urgence, d’expulser du domicile conjugal, le partenaire violent. Ces mesures incitent les femmes à ne plus subir ce que par le passé, beaucoup ignoraient ou jugeaient relever de la sphère privée.
Quand on ne se pose pas la question, on ne risque pas de trouver la réponse. « J’ai été effrayée par la gravité et la fréquence de la problématique, confie Marie-Claude Hofner, ancien médecin associée à l'unité de médecine des violences du CHUV. Et ça touche toutes les femmes, aussi bien celles qui ont été à l’université que celles qui n’ont pas terminé l’école. »
En 2000, le Bureau de l'égalité entre les femmes et les hommes du canton de Vaud (BEFH) a commandé une enquête sur la prise en charge des violences conjugales, menée par la Dr Hofner et Nathalie Viens-Python, chargée de recherche.
Cela a abouti à l’élaboration du programme « C’est assez », incluant la détection, l’orientation des victimes, la coordination entre la police, la justice, les services sociaux et hospitaliers. « Et il y a eu la création de l’unité de médecine des violences du CHUV en 2006, souligne Mme Hofner. C’est la première consultation de ce type en Suisse qui accueille les victimes de violences, les écoute et les oriente vers les ressources existantes. »
Dans cette unité dédiée du CHUV, un constat médico-légal est effectué par un médecin ou une infirmière spécialement formée. La victime peut si elle le souhaite, déposer plainte grâce à ce document qui fait référence et qui est l’un des seuls moyens de faire reconnaître le préjudice subi auprès de la justice. Le compte-rendu décrit les violences à la fois physiques et psychologiques. « Ça a aussi une valeur thérapeutique, avance Mme Hofner. La victime ne mesure pas toujours le danger. Elle banalise, elle minimise et en parler lui fait réaliser l’ampleur de la situation. » Cette lutte dans laquelle sont dorénavant engagés les pouvoirs publics est au départ une histoire personnelle dont il faut réussir à s’échapper.
Enfermées dans leur vie de couple, les victimes n’ont pas le recul nécessaire pour prendre la décision de partir. Le plus souvent, elles n’ont pas conscience de la gravité et de l’aspect illégal de ce qui leur arrive. Il leur est difficile d’en parler ou de demander de l’aide. Quand elles le font, il leur faut encore du temps pour se décider à agir. « Au centre LAVI, nous avons un regard distancié alors que la personne est dans l’émotion, observe Mme Vaney. Comment la convaincre en une consultation d’une heure des risques qu’elle court quand elle vit avec son compagnon depuis dix ans ? Pourquoi nous croirait-elle ? » On ne se défait pas facilement du lien d’attachement, des sentiments et on se souvient qu’avant les insultes et le mépris, il y avait les marques d’affection, les petites attentions.
« La violence apparaît petit à petit, remarque Mme Gigandet de MalleyPrairie. Au début, la relation dans le couple est basée sur l’amour, la bienveillance, le bien-être. Entre promesses et désillusions, il faut du temps pour comprendre ce qui se passe. » La psychologue américaine Lenore Walker a décrit en 1979 un cycle de la violence constitué de plusieurs phases allant de la tension à la réconciliation temporaire en passant par un pic de crise. Les femmes sont prêtes dans de nombreux cas à y croire à nouveau, à donner une nouvelle chance à leur conjoint. Dépendance financière, absence de famille proche chez qui aller sont des facteurs susceptibles d’empêcher le départ du domicile.
Par contre, il y a un motif qui précipite les choses et qui déclenche la décision d’agir. « Quand la femme voit que les enfants peuvent être brutalisés à leur tour, c’est souvent immédiat, assure Mme Vaney. Ce qu’elle accepte pour elle, elle ne le tolère pas pour ses enfants. » Humiliée, insultée, frappée sans plus aucune estime d’elle-même, elle trouve généralement la force de jouer son rôle de mère.
Le déclic se produit, son instinct reprend le dessus et la pousse à protéger plus faible qu’elle. « A MalleyPrairie, on va travailler pour renforcer son rôle de maman mis à mal par les insultes et le dénigrement, souligne Mme Gigandet. Nous allons aussi aider les enfants à retrouver des ressources et la place qui est la leur. » La violence n’est pas une fatalité même si certains ont vécu ou ont été témoins de maltraitance dans leur enfance. Dans une société où les rapports de force sont inévitables, il faut apprendre le plus tôt possible aux jeunes à canaliser leur agressivité et à respecter autrui.
Construite sur des valeurs patriarcales, la société a longtemps caché, dénié la violence domestique. Les femmes ont fini par se sentir coupables de ce qui leur arrivait, considérant que quelque part elles ne méritaient pas mieux. « Ce sont des siècles de construction sociale qui ont dévalorisé le féminin, constate Colette Fry, directrice du Bureau genevois de la promotion de l'égalité entre femmes et hommes et de prévention des violences domestiques. La violence est le résultat d’un sexisme préalable où les attentes, les représentations sont différentes selon que vous soyez un homme ou une femme. » Pour apprendre aux jeunes générations à communiquer, le canton de Genève multiplie les actions de sensibilisation. Parmi elles, une exposition itinérante constituée d’ateliers, de stands, de clips et qui va à la rencontre des élèves du secondaire II. Initiée par l’association AVVEC (Aide aux victimes de violence en couple), l’objectif est de mettre les jeunes en garde contre les relations toxiques et les inviter à ne pas banaliser les actes de violence. De son côté, le BPEV est partenaire du programme « Sortir ensemble et se respecter ». Dans les classes et les centres de loisirs, des jeux de rôle interactifs ont lieu et encouragent des relations amoureuses empreintes d'égards et sans violence verbale, physique ou sexuelle. Promouvoir des relations égalitaires et respectueuses n’est pas superflu à l’heure des liaisons amoureuses 2.0. « Contrôler le natel de sa copine, diffuser des photos intimes pour se venger, c’est une intrusion dans l'intimité de l'autre, une forme de violence psychologique, estime Mme Fry. C’est le début de l’appropriation de l’autre. » Possessifs, jaloux, les garçons pensent se comporter comme des adultes et il est dommage de voir que dans certains cas, leur attitude est vue comme une certaine forme d’amour par des jeunes filles flattées d’être l’objet de toutes les attentions. « Dans l’imagerie de la virilité, l’homme a un rôle actif, c’est lui qui va séduire la fille, mais aussi la juger, analyse Mme Fry. Selon son comportement, le nombre de petits copains, son statut évolue entre sainte-nitouche et fille facile. » Les parents ont une influence dans la façon dont leur enfant conduit ses affaires de cœur, mais ils ne sont pas les seuls. Les amis, les médias, l’entourage transmettent aussi des messages. Bien qu’il faille répéter, informer inlassablement, protéger par des lois, le regard a changé et ce n’est plus un sujet tabou. Mise sur la place publique, montrée du doigt, la violence domestique n’est plus tolérée et est à présent l’affaire de toutes et de tous.
François Jeand’Heur
Commentaires
J'ai notifié le soir même que je voulais porter plainte. La gendarmerie l'a mis à la porte sans lui prendre les clefs. "Pour la plainte venez demain Madame" => permis de recommencer. Ce qu'il a fait. J'ai faillit mourir sous ses coups. Le visage défiguré. MERCI LES FORCES DE L'ORDRE VAUDOISE