Notre expert
Violences maternelles: les enfants en jeu

Article écrit par Anne Jeger, psychologue clinicienne

 

On entend souvent parler des hommes pervers narcissiques, manipulateurs, des pères maltraitants, abuseurs. Oui, ils existent. Mais qu’en est-il des femmes et en particulier des mères ?

Ces derniers temps, je reçois dans ma consultation ou reçois le témoignage de pères qui vivent de véritables calvaires dans la relation à leur ex-compagne ou à leur femme, témoins également de la violence maternelle.

Ce que je vais décrire ici sont des observations, des constats qui reflètent la violence plus large que l’on trouve dans notre société.

Comment une femme/mère peut-elle en arriver à faire autant de mal à son conjoint? Quels sont les enjeux autour des enfants?

Il existe quelques faits divers sur ce sujet; ils sont rares.

Séverine Cesalli, pédopsychiatre, écrit dans son livre Le déni qui tue * : "Le déni sociétal actuel qui est celui de la possibilité de violence des femmes sur les hommes, de la potentielle maltraitance maternelle et de la fréquente discrimination des pères par rapport aux mères, à cause de stéréotypes encore très actuels, sont encore des signes de patriarcat."

Dans notre inconscient collectif, les mères sont perçues comme douces, aimantes, tendres, bienveillantes, attentionnées… Alors il est difficile de les imaginer adoptant des comportements maltraitants, abusifs, déviants, pervers et toxiques. Et de les dénoncer.

Il en existe.

Pierre, 36 ans, vit en couple avec Agnès, 32 ans. Ils se sont rencontrés il y a 18 mois. C’est Agnès qui a séduit Pierre. Il est tombé sous son charme. Ils travaillent tous deux dans le milieu du spectacle. Elle est danseuse, s’intéresse à lui et le valorise dans son travail d’artiste. Les mois passent, ils emménagent ensemble. Puis Agnès tombe enceinte. Elle a déjà un fils de 10 ans qui vit en garde alterné chez ses parents. La séparation d’avec son ex-compagnon est assez récente et les conflits sont ouverts, surtout par sms, parfois au téléphone. Leur fils, Mathieu, assiste aux conflits. Il entend sa mère crier et insulter son père.  

Pierre, lui, est heureux, il va être papa. Mais plus le temps passe, plus Agnès est virulente avec lui. Comme elle peut l’être avec son fils. La pression psychologique est quotidienne. Elle dénigre Pierre, l’ignore, lui fait la tête, l’insulte, et cherche les coups. Elle s’énerve aussi sur son fils, et le gifle parfois. Il sent quand sa mère est sur les nerfs et craint ses réactions, alors il fait au mieux. Et se confie à Pierre. Pierre se fait du souci pour son enfant qui grandit dans le ventre d’Agnès, du souci pour Mathieu et pour lui-même. Il qualifie de fusionnelle la relation d’Agnès avec son fils. Un jour elle l’adore, le masse, parfois un peu trop; le lendemain elle le maltraite. Elle est complètement tournée sur elle-même et ses propres problèmes ou angoisses. 

Que va-t-il se passer une fois passé l’accouchement? Pierre craint qu’elle ne lui donne pas de place auprès du bébé ou qu’elle vive mal la relation père-fille, qu’elle le menace de se séparer et garde sa fille ou qu’elle le pousse à bout, qu’il se défende et qu’elle porte plainte… ou qu’elle l’accuse d’autres maux. Il est déjà très inquiet pour son avenir de père. Alors il se prépare. Il observe, écrit, enregistre. Sa plus grande peur et tristesse serait de ne plus voir sa fille.

Eric, 46 ans est séparé depuis 11 ans de la mère de son fils, Matias. Ce dernier vit chez sa mère et voit son père un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Les années passant, Matias rapporte des faits à son père qui le rendent soucieux: elle dit sans cesse du mal de son père, elle prend son bain avec lui alors qu’il a 10 ans, il est seul à la maison lorsqu’il rentre de l’école, sa mère ne mange jamais avec lui, elle lui donne le sentiment qu’il fait tout faux. Matias raconte tout cela à son père, lui dit qu’il se sent mal et pleure parfois. Eric se sent impuissant. Matias dit qu’il a envie de vivre chez son papa, mais son besoin n’est pas entendu par cette mère qu’il craint. Un événement extérieur va provoquer un cataclysme et Matias va être placé dans un foyer, du jour au lendemain. Matias se sent de plus en plus mal, déprimé, ayant perdu ses repères, changé d’école, rencontrant son père et sa mère quelques heures dans la semaine et le weekend. 

Il continue à crier haut et fort qu’il veut vivre avec son père. Personne ne l’entend. Les professionnels acteurs dans cette affaire ne le croient pas. Ils estiment qu’il doit d'abord renouer avec sa mère. Mais plus le temps passe, plus la mère ment, plus Matias s’en éloigne. Eric est considéré comme un père aliénant son fils, le manipulant. Récemment, son ex-compagne a informé Matias que son père l’avait battue avant sa naissance. Ce qui est faux. Matias ne veut plus vivre chez sa mère qu’il sait menteuse. Il a compris. Il veut vivre avec son père. Personne ne l’entend. Alors il va fuguer.

Philippe a connu Christelle il y a 9 ans. Christelle était très amoureuse, et attachée à Philippe. Le temps passant, elle s’est montrée de plus en plus jalouse et possessive, l’isolant de ses amis. Philippe en a eu marre et a décidé de rompre. Ce jour-là, elle lui annonce qu’elle est enceinte. Il décide d’essayer de rester avec elle le temps de la grossesse puis le temps de voir grandir leur enfant. Peut-être que la relation pourra évoluer positivement. Il le fait pour son fils. Ce n’est pas le cas. Philippe se sépare de Christelle aux deux ans de Morgan. Elle prend leur fils avec elle et va vivre à 300 kms de son domicile. Beaucoup de rancœur, de haine chez Christelle lui font adopter des comportements destructeurs. En fusion avec son fils, elle ne supporte pas que Philippe le prenne chez lui. Philippe fait des kilomètres pour aller voir son enfant le weekend, et créer une relation avec lui. Christelle va utiliser la justice pour régler ses comptes avec Philippe: accusations, procès, détective, expertises, … des milliers de francs dépensés. Il n’y a plus de relation sinon beaucoup de colère, de haine, de rancœur. Relation brisée, blessures profondes et un enfant au milieu, Morgan, qui ne comprend pas. Et surtout qui n’en peut plus de voir ses parents se déchirer. 
Les choses se sont calmées, un peu. Jusqu’au jour où Christelle a monté son fils de 9 ans contre son père, à tel point que Philippe a été accusé d’attouchements sexuels sur son enfant. Arrêté par la police, auditionné, placé en préventive pendant des mois, traité comme un monstre. Puis il est relâché, pourra voir son fils rarement, puis dans un lieu protégé, puis de plus en plus souvent. Il se bat pour se défendre, monte des dossiers, rencontre des avocats, pour finalement être acquitté au bout de 4 ans. Innocent. 
Montage de la mère qui n’a pas supporté la séparation, qui a voulu garder son enfant pour elle, comme un objet, et faire payer à Philippe sa décision de la quitter.

 

Axel vit avec Marjorie depuis 3 ans. Leur relation est houleuse, passionnelle. Marjorie tombe enceinte alors que le couple est en pleine crise. Axel avait quitté le domicile juste avant l’annonce. La grossesse se passe mal pour Marjorie (perte de poids, angoisses majeures). Mais Axel est présent malgré sa charge de travail. Ils vivent à l’étranger et décident de déménager. Axel s’occupe de tout. Marjorie accouche dans leur nouveau pays et leur petite fille va bien. Mais le couple est fragile. Marjorie est dans une relation très fusionnelle avec leur fille. Toutefois Axel peut s’en occuper. Il se sent muselé devant cette femme qui se montre psychorigide et le menace de repartir dans son pays d’origine avec leur enfant quand ils ne sont pas d’accord. Là d’où vient sa compagne, les femmes ont presque tous les droits. Il a légitimement peur de perdre sa fille, alors, comme Pierre, il observe, écrit, enregistre pour prévenir le risque de ne plus avoir de droits un jour sur son enfant.

Ce sont quelques histoires parmi d’autres qui mettent en évidence que les hommes souffrent du comportement de leur compagne, qu’ils ont des difficultés à être entendus, reconnus, crus… car c’est incroyable.

De plus en plus d’hommes sont victimes d’ex-compagnes qui manipulent leurs enfants, souvent inconsciemment, et les premières victimes en sont les enfants, ainsi instrumentalisés au cœur de conflits conjugaux irrépressibles.

A travers ces témoignages, je souhaite mettre en évidence que le système «famille» peut être autodestructeur et saboter tous ses membres.

Les professionnels qui travaillent avec les membres de familles éclatées doivent se montrer très vigilants face à un système parfois rigide, voire imperméable, où le risque est de projeter sur son mur sa propre histoire familiale, et de prendre parti pour un parent car ce fut le cas enfant. Dénier la violence du parent maltraitant, ne pas vouloir entendre l’enfant ou au contraire lui accorder tout le crédit car… la vérité sort de la bouche des enfants.

De plus en plus de pères sont victimes de dénonciations de maltraitance et de fausses allégations d’abus sexuels par les mères dans le cadre de séparation. Dans de tels cas, les personnes ou les professionnels qui dénoncent ces abus mettent en branle une machine judiciaire qui va, trop souvent, telle une machine de guerre, détruire tout sur son passage, au nom de la Vérité. Détruire le lien, la relation parent-enfant et l’identité même de ces individus, victimes de fausses croyances, de peurs et de fantasmes. Peur de ces mères de perdre leur enfant, peur de perdre sa raison d’être, sa raison de vivre. Et faire payer à l’autre le prix de ses propres souffrances.

Séverine Cesalli ajoute : "(...) le lien mère-enfant est actuellement beaucoup mieux protégé par notre société que le lien père-enfant. Les allégations de violence des femmes sur les hommes sont souvent insuffisamment prises au sérieux. Ou pire, si un homme se plaint d'avoir été maltraité par une femme, il ne sera quasiment plus considéré comme un homme. Cela nuit à la santé des hommes, non reconnus dans leur statut de victime, ainsi qu'à celle des femmes, dont la violence potentielle est niée. Cela nuit aussi à la santé des enfants qui se retrouvent face à une situation d'iniquité parentale, validée par la société et mettant souvent à mal le lien père-enfant, ainsi dévalorisé." 

Au nom des pères, qui sont les victimes d’une telle machination, je demande clairvoyance, lucidité et discernement de la part de tous ceux qui condamnent avant même d’avoir compris.

Pour en savoir plus sur le sujet, Anne Jeger est l’auteure du livre « Regard d’une psychologue sur les enfants, la vie de famille et les épreuves du couple. » (A commander sur => lafamilyshop.ch) et chez Payot à Lausanne

A lire :

Ces mères qui blessent, se libérer de leur emprise pour renaître - Anne-Laure Buffet

Au nom de l'amour - Carlos Koplowitz

Le déni qui tue ou comment penser l'impensable - Séverine Cesalli

 

Coups de coeur de la semaine

A lire
Nos partenaires